Poétiques et poésie de l'insecte

Le projet de ce colloque est l’étude des représentations de l’insecte, à travers les cultures et les époques, afin d’examiner plus spécifiquement pour quelles raisons et en quoi l’insecte peut être un élément poétique.

Cet élément poétique, qu’il s’agira de cerner et de définir, apparaît en littérature, principalement dans le texte poétique, y compris lorsqu’il croise l’approche entomologique dans ce qu’on a appelé la poésie scientifique.

Les fabulistes tout d’abord n’ont pas manqué d’utiliser l’insecte à des fins didactiques et moralisatrices, quitte à faire fi de toute connaissance entomologique (ce qui fut reproché à plusieurs reprises à La Fontaine). Cette tendance semble s’inverser dans la poésie scientifique qui fait la belle part à l’insecte à partir de sources savantes (chez Delille ou Le Roux par exemple).

Comme image de l’autre vie, l’altérité de l’insecte est un élément d’élection pour la poésie, il suppose la révélation mystérieuse d’une vie seconde parce que cachée. Il y a donc du secret dans cette existence pleine de merveilleux, et dans le même temps du sublime en lui, du fait même qu’il est au-delà de l’humain, de son monde de perception et de compréhension, au-delà du langage. À ces qualités propres à animer l’écriture poétique, s’ajoute les possibilités de son infinie diversité.

Aussi, s’il apparaît d’abord comme un motif et une thématique dans le poème, l’insecte suggère ou suscite différentes poétiques, c’est-à-dire différentes écritures, aussi variées que lui. Il peut servir de support imaginaire et symbolique, avec des intentions qui peuvent être moralisatrices et parfois même théologiques, ou plus simplement plaisantes. Et aussi bien illustrer les connaissances et les approches des sciences de l’observation du monde naturel – et en particulier bien sûr de l’entomologie et de l’éthologie. La petitesse de l’insecte semble alimenter une poétique du minuscule, de la précision et du détail. On pourra donc par exemple s’intéresser aux petites proses poétiques, comme aux aphorismes ou en Extrême-Orient la tradition du haïku, où les insectes trouvent toute leur place.

Si l’on trouve partout des insectes qui se faufilent dans les textes poétiques, il y en a certains qui prennent une place non seulement décorative, mais aussi ontologique. L’insecte bruit, cherche le rythme et le verbe sonore.

Et ils sont nombreux, des Géorgiques de Virgile aux poèmes de William Blake à Victor Hugo, de Saint-John Perse à Philippe Denis, de Jules Renard à Rilke, de Desnos à Maurice Carême, de Nerval à Michaux, de Ronsard à Éluard, de Théocrite à Verlaine, mais aussi chez Goethe, Barthold Heinrich Brockes, Heine, Rilke Hugo Ball, chez John Keats, John Donne, Andrew Marvell, William Oldys,William Roscoe, Emily Dickinson, William Empson, chez Fernando Arrabal, Lorca, Ramon Gomez de la Serna, Pablo Neruda, etc.

Qu’il soit baroque, romantique, symboliste, surréaliste, image de beauté ou de laideur, l’insecte incarne des métamorphoses lyriques, grotesques, humoristiques, spirituelles. Ami de la théologie comme de dame nature, scientifique ou écopoétique, il envoûte, charme, et interroge.

Les pattes de mouche du poète inscrivant le vers sur la blancheur du papier veulent sans doute une poésie chrysalide impatiente de l’envol vers la lumière, les couleurs et le vide du ciel.